Lettre du Président National, de l'Aumônier Général et de la Déléguée Générale du Secours Catholique, à destination des bénévoles et des salariés
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La dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président de la République fait entrer notre pays dans une période critique. C’est forts des travaux de l’Assemblée générale du Secours Catholique, réunie la semaine dernière à Lourdes, que nous vous adressons le message suivant.
Le Secours Catholique s’est fondé sur une intention simple, inspirée de l’Evangile : apporter une aide, un soutien, « partout où le besoin s'en fera sentir, à l’exclusion de tout particularisme national ou confessionnel » (article 1 de nos statuts). C’est ce principe qui continue de nous guider, tous les jours, un peu partout en France et dans le monde. Dans nos accueils, nos maraudes, nos boutiques solidaires, nos repas partagés, nos maisons des familles ou nos actions auprès des personnes en détention, ce ne sont pas des statuts ou des nationalités que nous rencontrons, mais Sonia, Jean-Luc, Latifa et ses enfants… Nous les accueillons, nous échangeons avec eux autour d’un café, nous les accompagnons dans leurs démarches, quelles que soient leur origine, leur histoire de vie, leur couleur de peau, leur religion, le fait qu’ils aient des papiers en règle ou pas. La dignité et le sort de chaque personne nous importent. Et ça fait toute la différence.
Nous pouvons témoigner qu’au Secours Catholique, on fait des rencontres que l’on ne ferait pas ailleurs, on bâtit des passerelles dans cette société si fragmentée, et ces rencontres nous remuent, nous amènent à dépasser nos peurs ou nos préjugés, à ne plus voir l’autre comme avant. Elles nous font grandir, reconnaître que l’on a tellement en commun avec ces personnes que l’on croyait si différentes. Cette expérience très concrète de la fraternité nous amène aussi à toucher du doigt ce que vivent les personnes en galère dans notre pays : la souffrance de l’isolement, la peur du lendemain, la difficulté d’accéder à ses besoins essentiels, notamment sur les territoires relégués, le courage qu’il faut pour résister aux épreuves de la vie, l’esprit de sacrifice pour ses proches, l’injustice de tant de situations, le sentiment de ne compter pour rien aux yeux des puissants, d’être méprisé, jugé sans cesse.
Nous savons combien les orientations politiques de l’Etat et les discours de nos responsables politiques pèsent sur la vie quotidienne des personnes en précarité que l’on rencontre, mais aussi sur la confiance qu’elles ont en elle et en la société. Pour que chacun puisse, dans notre pays, accéder à un logement digne, aux soins, à une alimentation saine de son choix, à un emploi décent ou à minimum vital de revenus, à un système éducatif de qualité, à des solutions pour se déplacer, à des temps de répit pour soi et pour cultiver les liens avec ses proches, le tout en prenant soin de la planète qui nous héberge, il faut des choix politiques forts. C’est tout le sens du plaidoyer que mène le Secours Catholique, au niveau local, national et international.
Pour que ces choix soient légitimes et durables, il faut aussi une certaine façon de gouverner, en prenant au sérieux la liberté de la presse et de manifester, le dialogue avec les structures qui expriment la diversité de notre société, les associations, les syndicats, les représentants des cultes. Plus largement, nous attendons de nos responsables politiques qu’ils prennent soin des liens qui nous unissent, plutôt que de nous monter les uns contre les autres et d’opposer les vulnérabilités entre elles.
En défendant les droits des plus pauvres, le Secours Catholique défend en réalité les droits de tous. Car le sort réservé aux plus vulnérables est un baromètre de l’état de santé de notre société : chaque violation de leurs droits est le signal que la promesse que nous nous faisons de traiter l’autre comme un être humain, en lui assurant des conditions convenables d’existence, n’est pas tenue.
Ces convictions fortes, forgées dans l’engagement quotidien des acteurs de notre association sur le terrain, et s’appuyant sur l’histoire de l’Eglise, quand elle a su dire non aux totalitarismes du XXe siècle comme à “la mentalité xénophobe de la fermeture et du repli sur soi” (Fratelli Tutti, §39), nous appellent à ne pas laisser à d’autres le choix de nos représentants, et à encourager les personnes que nous rencontrons à voter elles aussi, le 30 juin et le 7 juillet : la voix de chacun compte.
Nos convictions nous invitent aussi à mesurer l’impact de notre choix sur la situation des personnes que nous rencontrons, sur la possibilité d’une transition écologique juste, sur les libertés fondamentales et la cohésion sociale. Elles nous incitent à tourner le dos à toute politique fondée sur la stigmatisation, l’intolérance, le rejet de l’autre, le repli sur soi ou le mépris des plus faibles, à continuer à agir avec des partenaires associatifs dont nous partageons les valeurs, et à rester attentif aux alertes lancées, par exemple, par la Commission nationale consultative des droits de l’homme ou le Mouvement associatif, quant à la menace que certaines familles politiques font peser sur la démocratie et les libertés publiques.
Dans le secret de l’isoloir, chacun est libre de son choix. Mais ce choix est loin de n’engager que nous : il engage la société entière. Alors ayons le courage d’aborder le sujet au sein de nos équipes, de notre entourage, pour partager nos convictions et aspirations profondes. Ecoutons-nous humblement, dans le respect mutuel, comme notre engagement au Secours Catholique nous y prépare. Etudions les programmes et la vision du monde des uns et des autres à la lumière de cet engagement, de la pensée sociale de l’Eglise et des valeurs que nous défendons pour le bien commun.
Si nous sommes engagés au Secours Catholique, c’est que le sort de l’autre ne nous est pas indifférent. Comment mieux en témoigner, en cette période, qu’en contribuant, à notre échelle, au choix de nos représentants dans les urnes et en ouvrant des espaces d’échange pour faire de la politique autre chose que l’addition des intérêts, colères ou craintes de chaque individu, mais bien la recherche d’un monde juste et fraternel ?
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