Amicale du Réseau Caritas-France

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Obsèques de Dominique Saint-Macary

Voici ci-dessous l'homélie prononcée par le Père Louis-Marie Chauvet pour les obsèques de Dominique Saint-Macary ce 3 janvier 2024. L'église était comble : 700 participants. J'ai concélébré cette célébration avec émotion. Le Secours-Catholique était bien représenté et Bernard Schricke a témoigné.
Gilbert Lagouanelle

Dominique SAINT-MACARY

3 Janvier 2024


Dominique, chère Dominique, c’est à toi que je m’adresse ; c’est à toi que je parle. Car pour moi, comme pour l’Eglise dont je partage la foi, tu es vivante. Vivante en Dieu.

Tu n’as pas eu vraiment le temps de préparer toi-même la cérémonie de ton ultime départ. Tout est allé si vite qu’on a du mal à y croire ! Alors, nous avons choisi pour toi. Nous avons choisi parmi les paraboles que tu aimais tant et sur lesquelles, avec Pierre et moi-même, tu as écrit et édité voici deux ans dans le petit livre « Drôlement Dieu ». Et nous avons choisi cette parabole du bon samaritain que nous venons d’entendre. Elle t’allait si bien !
J’ai juste extrait la finale de ton propre texte. IL te ressemble tellement. Je lis :
« Le Samaritain peut être vu comme un prototype de « l’humain » – ce qui n’est pas contradictoire avec le fait d’y voir Dieu lui-même. Oui, la religion et la pureté sont des valeurs, comme beaucoup d’autres – la ponctualité, la fidélité à une tâche, le devoir, l’obéissance –, mais elles sont surpassées par « l’humanité » qui est leur lot commun. Le christianisme ne « crée » pas cette valeur d’humanité à partir de rien chez les hommes ; il les invite, à la suite du Christ – Dieu fait pleinement homme – à une vraie conversion pour lui donner la priorité sur toute autre considération ; et aussi pour la reconnaître autour d’eux et en rendre

grâce. »

Tous ceux qui te connaissent te reconnaîtront dans cette manière, que Pierre et moi partagions avec toi, de lire « Dieu » dans le plus humain ; de ne pouvoir dire « Dieu » que dans un rapport étroit avec l’humain ; de chercher Dieu au fin fond de l’humain… Oui, tu as raison : notre Samaritain « peut être vu comme un prototype de l’humain, et cela n’est pas contradictoire avec le fait d’y voir Dieu lui-même ». Oui, oui, tu as raison : c’est bien Dieu lui-même qu’il nous faut percevoir dans le filigrane de notre homme : Dieu « pris de pitié » (expression, il convient de le relever, qui est typique de l’AT pour dire la tendresse de Dieu) pour notre humanité si fort blessée qu’elle en est quasi cadavérique. Ainsi, c’est Dieu qui, en Jésus – lequel assume donc le rôle de l’hérétique samaritain : quelle audace, quand même ! – vient, dans un geste d’une extrême humanité, se pencher sur le grave blessé.
Geste d’une extrême humanité », viens-je de dire. Car qu’y a-t-il, en vérité, de plus humain que de prendre en charge l’autre dans le besoin, sans se demander s’il est ou non de notre bord culturel, racial, politique ou religieux ; et le prendre en charge jusqu’à dépenser pour lui (ou elle) tout ce qui lui est nécessaire, même s’il faut ensuite rajouter le surplus qu’il aura fallu ; et, plus encore, le prendre en charge sans faire de lui quelqu’un qui vous en serait redevable ; quelqu’un qui serait devenu dépendant de vous, parce que, quand même, il serait bien « votre » blessé, celui dont vous avez sauvé la vie. Le prendre en charge donc en vue de le laisser aller son propre chemin. Personne ici, je pense, ne méconnaîtra qu’il y a là en effet de l’extrême en humanité.

Or, c’est précisément dans cet extrême d’humanité que se révèle l’extrême divinité de Dieu ! Cela, Dominique, tu le disais différemment, mais c’est cela qui t’habitait. Et c’est même la raison pour laquelle, pour toi, Dieu n’était pas devenu « un détour inutile » ! Car en effet pourquoi faudrait-il faire le détour par lui pour pouvoir déployer une générosité toute gratuite envers les autres. Dieu merci (c’est vraiment le cas de le dire !), il y a tout plein de personnes dans notre monde qui savent se sacrifier pour une noble cause humanitaire, qui savent donner de leur temps, de leur argent, ; de leur personne pour que justice soit faite aux collègues de travail, pour que dignité soit redonnée aux marginalisés sociaux ou culturels, pour qu’amour partagé redonne espoir et sourire à ceux qui sont comme écrasés par une vie qui ne leur pas fit de cadeaux ! Oui, il y en a plein. Il en faudrait même bien plus, nous le savons. Et ces gens-là, on les trouve dans toutes les religions ainsi que, bien sûr aussi, dans les non-religions, chez les agnostiques ou les athées qui ne peuvent pas croire qu’il y ait un Dieu, si Dieu est ce à quoi trop souvent les religions, y compris le christianisme dans ses aspects bien sombres, l’ont réduit. Ils protestent donc contre Dieu au nom de Dieu – s’il devait y en avoir un !
Tout cela, Dominique, je sais que tu le pensais et le vivais profondément. Et c’est justement parce que Dieu, le Dieu ultimement révélé en Jésus, est, comme tu l’as écrit, « Dieu pleinement homme », que tu as continué de lui donner ta foi. De lui faire foi. Il ne s’agit plus ici d’une simple croyance, comme on croit à des idées (à la science, à la démocratie, à l’amour, à la fidélité, etc… ; autant de choses par ailleurs précieuses). Il s’agit de foi, comme on croit en quelqu’un, ce qui se décline sur le mode de la confiance et donc, d’une manière ou d’une autre, de l’amour. Dans ton parcours de théologie à l’IER de la Catho, tu as croisé bien sûr St Thomas d’Aquin. Tu as pu lire chez lui que la foi n’est pas une « conviction véhémente », du genre (je commente) « nous, au moins, on y croit ! ». Tu exécrais d’ailleurs la simple idée que la foi chrétienne nous pousserait à être des donneurs de leçon ! Et cela, tout simplement parce que, n’étant vivante qu’enracinée dans l’amour, la foi est d’un autre ordre que celui d’une véhémence convaincue. C’est la raison pour laquelle (et tu m’approuvais fort quand il m’est arrivé de dire cela) elle est si bien représentée par la flamme d’un cierge – je pense à celui de ton baptême, lui-même prolongé dans celui que nous avons allumé au début de cette célébration pour toi : non pas un violent projecteur qui nivelle tout de sa clarté écrasante, mais une flamme vacillante, une flamme qui demande du soin, une flamme d’autant plus précieuse que fragile comme l’est l’amour lui-même.
Oui, Dominique, je sais que la foi chrétienne a été, selon la belle expression du psaume 118, « la lampe pour tes pas ». Jamais le témoignage que tu as donné de ta foi n’a eu le moindre relent plus ou moins vengeur de « faire la leçon » aux autres. Tu avais trop bien compris que la foi chrétienne, parce que liée à l’amour, doit nous rendre humbles. Tu avais trop bien compris qu’elle était appelée à se nourrir du témoignage des autres, fussent-ils incroyants. Et cela, sans ressentiment ; au contraire même, comme tu l’as encore écrit dans les quelques lignes de toi que j’ai lues, en sachant « en rendre grâce ».

C’est très clair pour moi : l’humanité de ta foi a été ton chemin vers Dieu. Tu as ainsi réalisé très concrètement ce que Dieu nous a dit à travers l’extrait du Deutéronome que nous avons entendu dans ma 1° lecture : La loi de Dieu (ou la Parole de Dieu) « n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : « Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? » Elle n’est pas au-delà des mers, pour que tu dises : « Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? » Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. »

De cette humanité, tu as donné tant de témoignages, que ce soit notamment au Secours Catholique ou, bien sûr, dans la paroisse (mais pas seulement : je n’oublie pas la famille, les amis, les divers réseaux auxquels tu participais, y compris celui des « anciens baptisés » de Deuil)… Tu as su mettre tes grandes qualités humaines et tes compétences au service de tout cela. Je pense particulièrement à ton autorité jamais autoritaire (tu « faisais autorité »), ton esprit inventif, ta fidélité tenace, etc.. Pour ma part, je suis totalement à l’unisson de l’EAP de cette paroisse de Deuil pour souligner combien nous a été précieuse ta présence à la fois exigeante et toujours souple. Tu nous as stimulés dans les audaces pastorales, y compris en ce qui concerne la lutte contre le cléricalisme, que requièrent les temps actuels…

Merci, Dominique, d’avoir été ce que tu as été ! Oui, un immense merci. Je termine par cette prière toute simple, qui s’appelle une prière de recommandation :

Ô mon Dieu, voici Dominique, ta servante. C’est toi qui l’as créée, qui lui as permis de vivre, qui l’as rappelée, qui la ressusciteras. Tu connais mieux que personne ses actes et son cœur. Nous venons à toi pour intercéder en sa faveur. Ecoute notre prière :
Ô mon Dieu, tout le bien qu’elle a fait, rends-le-lui au centuple. Quant au mal qu’elle a commis, sois indulgent ; elle est devenue ton hôte, et personne ne reçoit aussi bien que toi. C’est pourquoi, nous la remettons en toute confiance entre tes tendres mains de Père ».
A-A-MEN !



03/01/2024
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