Emouvantes retrouvailles après 56 ans entre un instituteur militaire, et son élève Kabyle
En octobre 1958, j’ai été incorporé au 6ème Bataillon de Chasseurs Alpins à Grenoble où j’ai séjourné jusqu’au début de l’année 1959, date à laquelle j’ai rejoint l’Algérie.
Le 6ème B.C.A. était stationné en Grande Kabylie et j’ai rejoint le poste de Tizi-N’Djema situé à 1250 mètres d’altitude, isolé dans le massif du Djurdjura où je suis resté environ 2 ans.
Peu de temps après mon arrivée, le commandant du 6ème B.C.A. me convoque et me demande si j’accepterais de créer une école dans les préfabriqués de l’enceinte du poste militaire. J’informe mon commandant que je n’ai pas fait de formation pour être instituteur ; il me précise que je participerai à un stage pédagogique de deux semaines dans une petite ville proche de Tizi-Ouzou.
Ce stage s’est déroulé dans d’excellentes conditions avec des formateurs qui en peu de temps m’ont donné la formation pour enseigner.
J’ai eu la grande chance d’accomplir cette mission qui m’a passionné, avec des enfants qui avaient une soif d’apprendre absolument extraordinaire et m’ont étonné par leur intelligence et leur capacité à s’instruire alors qu’ils n’avaient jamais été scolarisés. En 3 mois, ils parlaient un français impeccable. Il est vrai que les Kabyles ont toujours formé l’élite de l’Algérie.
Au terme d’une année, une 2ème classe a été ouverte avec un militaire, appelé comme moi, Jean-Paul Cordonnier, et nous avons travaillé main dans la main.
Lorsque j’ai annoncé à mes élèves que je quittais la Kabylie car j’avais fini mon service militaire, ils m’ont dit : « Tu restes ici car nous avons besoin de toi ». A contre cœur, j’ai malheureusement dû décliner leur offre mais, à leur demande, je me suis rendu avec eux dans leur village à environ une demi-heure de marche depuis le poste militaire où avec leurs mères et leurs grands-parents ils avaient organiser une fête à mon intention à la maison commune où nous avons partagé le café et les gâteaux Kabyles.
Bien entendu, je n’avais pas demandé l’autorisation de cette sortie du poste au lieutenant qui nous commandait car elle m’aurait été refusée. Mais, j’avais une totale confiance en mes élèves et je savais que je ne craignais rien.
56 ans ont passé et voilà que Tahar, l’un de mes anciens élèves âgé aujourd’hui de 69 ans (il avait 11 ans en 1959 et moi 21 ans), a écrit à plusieurs association pour retrouver son instituteur et l’un des membres de l’une d’elles, qui connaît ma sœur Marie-Odile, a ainsi pu obtenir mes coordonnées. Il m’a fait parvenir la lettre de Tahar qu’ils avaient reçue et ainsi j’ai eu ses coordonnées.
Tahar habite dans la région parisienne. Je l’ai immédiatement appelé et lui ai fait part de ma grande joie de le retrouver ; Il m’a dit combien il était heureux ; le 3 mai 2017, je me suis rendu à Paris et nous avons eu une rencontre très émouvante ; spontanément, nous nous sommes embrassés et avons partagé nos souvenirs encore bien vivants après 56 années sans se revoir.
Il m’a dit qu’il souhaitait organiser une fête avec ses amis (mes anciens élèves) et que nous retrouverions tous dans leur village en Haute Kabylie.
Je n’ai jamais oublié cette première période de ma vie d’adulte car elle a été très riche et j’en garde toujours le souvenir.
De retour du service militaire, je me suis engagé dans la vie active au Secours Catholique jusqu’à ma retraite ; elle s’est parfaitement inscrite dans la suite logique de la tâche sociale que j’ai eu la chance de réaliser auprès de jeunes kabyles.
Pierre Sauvajon
Mai 2017
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