Amicale du Réseau Caritas-France

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Antoine Sondag

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Antoine Sondag est décédé le 7 novembre 2020 des suites d'un cancer. Originaire de Sarreguemines, il est ordonné prêtre après avoir obtenu son diplôme à Sciences Po. Responsable d'une paroisse à Metz pendant une dizaine d'années,  Il a alors ressenti le besoin de s’engager plus profondément dans la lutte pour le respect des droits de l’homme et contre la pauvreté. Aumônier international de Pax Romana, président du collectif d'associations "Article 1er", secrétaire général de Justice et Paix pendant 6 ans, il rejoint ensuite le Secours Catholique comme responsable de départements. Avec Geneviève Colas, il a assuré pendant sept ans, la co-responsabilité du département Europe et a largement contribué au développement international du Secours Catholique dans un esprit de partenariat avec les Caritas et bien d'autres organisations.

Directeur du Service national de la Mission universelle de l’Eglise, de 2013 à 2019, à la Conférence des Evêques de France, Antoine Sondag avait rejoint l’Eglise de Villejuif depuis septembre 2019, où il mettait ses compétences au service de la mission.
Rédacteur en chef de la revue Développement et civilisations, il a écrit plusieurs livres pour sensibiliser les chrétiens au problème de la pauvreté et rappeler le devoir de solidarité.

"On n’éliminera jamais la pauvreté, même pas vrai " et "La solidarité, chemin de spiritualité".

 

Ses obsèques auront lieu à Metz.

 

Vous pouvez cliquer sur le lien ci-dessous pour écouter le très émouvant et profond message d'Antoine.

 

ultime message d'Antoine Sontag

 

Homélie de la messe d’obsèques du père Antoine SONDAG

 

Mon cher Antoine,

Tu ne me rends pas la tâche facile. En cet instant précis, je te le confesse, j’envie la capacité qui a été la tienne jusqu’au bout de te tenir à distance de toi-même, de contenir tes émotions et de taire ta souffrance. Non pas que tu aies été un homme insensible ou un intellectuel « perché », comme disent les jeunes aujourd’hui, non, c’est même l’inverse. Sensible tu l’as été infiniment à toutes les tragédies humaines, à toutes les absurdités et à toutes les détresses du monde contemporain, aux crises profondes de notre Ėglise, comme aux sollicitations les plus ordinaires de tes proches et de tes amis. C’est que ton regard portait loin, bien au-delà de nos lamentations de boutiquiers et de nos petits états d’âme.

Tu ne faisais pas étalage non plus de tes états de service. Et pourtant l’énumération des missions ecclésiales et des engagements humanitaires qui t’ont fait sillonner tous les continents suffirait à montrer le large spectre de ta vision du monde et de l’Ėglise, et quel évangélisateur, et quel passefrontières et quel passeur de fraternité tu as été.

Homme de réseaux, fédérateur d’initiatives, pédagogue de la solidarité, orchestrateur de débats, tu l’as été avec discrétion et humilité, sans chercher à jouer les premiers de cordée. Tu auras plutôt été le sherpa attentionné qui porte le sac à dos de celui qui n‘en peut plus, le compagnon qui soutient ceux qui désespèrent d’atteindre le sommet.

C’est à nous de te remercier, Antoine, toi le « frère universel », d’avoir ouvert nos yeux à la diversité des peuples et des cultures, à la dignité des pauvres et à la noblesse des lointains, de nous avoir rappelé la force subversive de l’Evangile, de nous avoir enseigné que la solidarité était un chemin de spiritualité plus sûr que nos piétés confinées. Et merci aussi de nous avoir tant fait rire au bord des abîmes que tes analyses ouvraient devant nous.

Oui, Antoine, tu voyais large, sans doute un peu trop large pour les gardiens de l’institution. Tu voyais loin, bien au-delà des préjugés, des stéréotypes et du prétendu bon sens. Je ne te l’ai jamais dit, mais je trouve que tu avais un regard à la Louis Jouvet : un œil écarquillé, extra-lucide, presque inquiétant, et l’autre œil, malicieux, gentiment ironique. Ton esprit critique dont tu savourais les effets sur tes interlocuteurs s’accompagnaient toujours du sourire d’autodérision de ton deuxième œil. Car l’esprit critique qui était ta marque de fabrique, tu le poussais jusqu’à la critique de la critique pour ne pas t’installer dans la posture des intégristes de la modernité. Tu te méfiais par-dessus tout des chrétiens imaginaires, des chrétiens qui ne le sont que par procuration, qui seraient prêts à s’écrier « Je suis Monseigneur Romero » ou « Je suis Mère Teresa », comme d’autres disent « Je suis Charlie ». Je te cite : « Cette communion des saints donne prestige et beauté à l’existence froussarde et banale du chrétien imaginaire. »

Toi, tu n'as pas vécu ta foi par procuration. Dès ta jeunesse tu t’es laissé guider par la recommandation de Qohéleth : « Marche selon les voies de ton cœur et selon la vision de tes yeux. » C’est en marchant, au propre et au figuré, que tu as tracé ton chemin hors des sentiers battus, aux « périphéries géographiques, ecclésiales et existentielles » dirait notre pape François, qu’au demeurant tu n’as pas attendu pour « sortir », comme il le recommande, de nos enclos paroissiaux. Tu es allé partout là où s’invente l’Ėglise toujours en chemin vers l’autre. Pour le dire dans le langage de la tribu : une Ėglise tout entière synodale, tout entière diaconale, tout entière au service de la justice et de la paix. 

Tu nous l’as rappelé, ton espérance de croyant était sans image, sans discours, sans représentation aucune. Tu n’as pas à t’en excuser. Dans la parabole du Jugement dernier que nous venons de relire en pensant à toi, c’est Jésus lui-même qui s’emploie à nous priver du soutien de toutes nos représentations imaginaires de la transcendance et de l’au-delà. Sa parole invariablement nous renvoie à Autrui, à l’autre dans son dénuement, dans sa détresse d’exilé ou de prisonnier, l’autre dans son corps malade et affamé. Les justes de la parabole qui ont secouru les malheureux et les ont traités comme des rois, n’ont même pas à s’approcher du Roi, ils sont déjà près de lui : «Venez les bénis de mon Père ! »

Tout le bien que tu as fait, Antoine, tu ne l’as pas fait pour recevoir la médaille des justes et être sur la photo, tu l’as fait, à l’instar des justes de la parabole, tu l’as fait gratuitement, par justice, par amour, pour répondre aux exigences du présent et aux sollicitations du visage d’autrui.

Celui que l’on nomme Dieu, comme tu l’as toujours dit avec une extrême pudeur, et que tu as toujours scrupuleusement tenu à l’écart des bondieuseries qui s’imaginent en disposer à leur guise, le Dieu que nul n’a jamais vu et que nul pensée ne peut concevoir, te fait aujourd’hui une divine surprise : le voile est tombé, tu le reconnais, c’est bien Lui que dans l’ignorance de ta raison tu as secouru, défendu et accueilli, Lui dans sa glorieuse beauté de crucifié.

Avant de fermer les yeux sur « ce monde douloureux, tragique, magnifique », il t’en a fallu du courage pour te battre contre ce sale cancer, mais il t’en a fallu plus encore pour te laisser vaincre par la miséricorde de Dieu, pour accueillir ta propre mort comme une sublime eucharistie, pour te dessaisir de ta vie et nous l’offrir comme un message de grâce : « Ayez une confiance simple en la vie, et vous verrez, c’est d’une grande beauté. »

Adieu, Antoine, tu verras, l’éternité c’est d’une beauté infiniment plus grande. D’ailleurs, Jésus a dit un jour à Nathanaël, un type auquel tu ressemblais, un homme sans artifice selon l’évangile : « Tu verras des choses bien plus grandes encore ».

 

Robert Scholtus

Sarreguemines, le 13 novembre 2020



08/11/2020
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